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LA PETITE AVENTURE

Quand Janine secouait le buisson étincelant de sa chevelure, c’était l’amour sauvage qui se levait, le grand et terrible amour qui dévore magnifiquement l’âme, mais quand nous parlions bas, dans le coin du petit salon émeraude, c’étaient les longs jours, la famille, l’enfant, le cycle enchanté qui a mis fin aux chasses féroces, aux chocs brusques où chaque homme, dans la nuit du passé, le plus fort, le plus rusé, finissait par répandre son sang sur la terre.

Je m’habillai donc pour aller voir Janine, je pris chez ma fleuriste une fine gerbe de roses blanches et l’auto roula vers mon destin. Le cœur me battait ainsi qu’aux premiers jours. Mais ce n’était pas le battement cruel qui accompagne les amours de conquête. C’était une palpitation exaltante, comme lorsqu’on voit, après les fleuves de l’étranger, couler un fleuve de son pays. Et j’évoquais la silhouette exacte de Janine dans le corridor, son visage argenté qui s’élevait vers le mien : je venais, ce semble, de la quitter.

Au coup de sonnette, Charles, le valet de chambre, montra son visage raide où il y avait