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CONTES. — PREMIÈRE SÉRIE

très nombreuse. Elle se composait d’un fifre, d’un accordéon, d’une paire de cymbales, de trois ocarinas et d’une demi-douzaine de ladies et de gentlemen chargés de la partie vocale. Sur un drapeau mi-parti vert et rouge, on apercevait une sorte de saint Laurent sur le gril, que j’ai su depuis symboliser l’Immortalité du corps. Et, bien entendu, on commença par faire un peu de musique

Aux sanglots de l’accordéon et aux soupirs du fifre, le chœur chantait :

Un jour viendra, un jour terrible,
Où l’âme quittera le corps…

Puis un des gentlemen prit une chaise et se mit à nous haranguer. C’était une bonne vieille face britannique, aux yeux d’enfant, au teint frais comme un radis, au geste de poteau de chemin de fer, au grand menton opiniâtre.

Et il hurlait d’une voix suppliante :

« Oh ! mes frères et mes sœurs, sortis de la poudre et qui retournerez dans la poudre, écoutez la parole divine. Méditez les paroles sacrées. Car vous vivez dans l’erreur ! Vous vivez dans l’erreur, et avec vous toute l’Église d’Angleterre, et toute l’Amérique, et toutes les nations qui sont à la face de ce monde ! Vous croyez à l’âme et vous ne croyez pas au corps ! Vous croyez à l’âme, orgueilleux principe de vie, et vous oubliez le pauvre serviteur tiré de l’argile, qui peine, qui souffre et qui gémit ! Vous croyez que l’âme aura sa récom-