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LA BATAILLE

Le principal contradicteur se trouva être le comte Zriny, qui passait à l’étranger pour le plus habile des généraux austro-hongrois.

— Si nous engageons la bataille dans les conditions présentes, conclut-il, nous serons enveloppés au bout de quelques heures… et nous pourrons nous estimer heureux si nous en sommes quittes pour laisser la moitié de l’armée aux mains de l’ennemi. L’armée austro-hongroise semble groupée pour une capitulation.

À ces mots, le généralissime se dressa, pâle de fureur froide. C’était un petit homme trapu, nerveux, dont l’énergie allait jusqu’à la férocité, une figure à la Souvarow, yeux mystiques, bouche implacable, parole énergique et brève. Il éleva sa main velue et dit :

— Une capitulation, si nous ne faisons pas notre devoir ! Une victoire éclatante si nous déployons l’énergie et l’activité nécessaires !

— Que Votre Excellence me pardonne, reprit doucement Zriny, mais il ne s’agit ici ni d’activité ni d’énergie. J’entends bien que nous ferons tous notre devoir et que nous saurons mourir sans faiblesse. Mais de deux choses l’une : ou nous marchons sur l’ennemi, et alors nous courons à un massacre dont le récit éveillera la pitié même de nos pires ennemis ; ou nous attendons l’attaque, et alors notre enveloppement est inévitable. Votre Excellence sait que nous ne pouvons compter sur aucune action à l’arme blanche !…