Page:Rosny aîné - La Mort de la Terre - Contes, Plon, 1912.djvu/193

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
179
LA BATAILLE

vaste surface restait inexplorable : à cause de la distance et des obstacles, elle n’aurait pu être éclairée que par les fanaux des corps d’armée qui l’occupaient. Aussi les veilleurs ottomans ne purent-ils voir des troupes d’infanterie montée, suivies de fantassins, qui s’éloignaient rapidement de l’extrême droite et de l’extrême gauche autrichiennes.

Le temps s’écoula, de plus en plus silencieux. Les deux camps dormaient profondément. On apercevait à peine, de-ci de-là, quelques sentinelles terrestres qui circulaient avec lenteur, vestiges des anciennes coutumes militaires.

Vers minuit, un phénomène singulier attira l’attention des aérostatiers : une sorte de phosphorescence se dégageait du nord-est au sud-est, sur une longue ellipse de territoire qui englobait le campement turc. Cette phosphorescence se propagea d’abord par des ondes de couleur améthyste : elle était légèrement plus brillante au centre qu’à la périphérie. Peu à peu la lueur se fixa ; en même temps elle prenait des teintes moins pâles, de l’indigo à l’orange. Puis les teintes s’uniformisèrent ; il ne demeura plus qu’une immense plaque vert de béryl, à peine teintée de rose à la bordure. Ce spectacle parut d’abord curieux, mais sans grand intérêt. À la longue il inquiéta à la fois les aérostatiers des deux camps : les Austro-Hongrois crurent y voir quelque manœuvre mystérieuse des Turcs et les Turcs craignirent quelque embûche