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LA BATAILLE

Il y eut un vaste silence. Laufs, naguère si formidable, tous ces officiers pleins de foi dans la suprématie de leur armée, étaient atteints au tréfonds de l’âme. La vérité se faisait jour en eux avec la force des cataclysmes, — ils étaient comme des gens brusquement soulevés par un colossal tremblement de terre.

Laufs recouvra le premier son sang-froid. Sans faiblesse comme sans jactance, acceptant désormais tous les possibles, il dit au colonel :

— Avant une demi-heure, j’aurai l’honneur de vous donner une réponse.

Il reparut, à l’heure dite, accompagné cette fois de tout son état-major, et livide, les yeux creux, les mains tremblantes, avec un mélange de fureur et d’effroyable désespoir, il s’écria :

— Je suis prêt, monsieur, à examiner les propositions de Son Excellence le maréchal von Eberhardt.

Tous baissaient la tête. Un seul, le vieux Soleiman-Pacha, général du 3e corps, Turc des vieux âges, frénétique, héroïque et fataliste, s’écria :

— Est-ce à dire que nous allons accepter une capitulation ?

— Il n’y a pas d’autre ressource ! fit Laufs d’un ton glacial.

Soleiman étendit la main vers les vitres bleues et clama :

— Il y a toujours des ressources pour qui consent à la mort !