Page:Rosny aîné - La Mort de la Terre - Contes, Plon, 1912.djvu/203

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
189
LA BATAILLE

fique massacre, et il remit les opérations au soir.

Dès le crépuscule, il avait pris toutes ses dispositions. Elles étaient simples, barbares, primitives, mais par là même, pour une multitude réduite aux armes des anciens temps, les meilleures possibles. Trois issues furent choisies : la première entre deux hautes collines, à plusieurs lieues du champ de bataille, les deux autres aux flancs extérieurs de ces collines. Soleiman divisa son armée en trois corps, et fit indiquer soigneusement aux hommes les routes à suivre et les lieux de ralliement. Sur les conseils d’un aérostatier, quelques dirigeables servirent de phares, à l’aide de feux électriques verts, rouges et blancs. Les autres aéronefs et les avions devaient retarder les escadrilles aériennes de l’armée austro-hongroise.

Le soir tomba, aussi câlin, aussi délicat, aussi magnifique que le soir précédent. Les forges stellaires emplirent l’étendue des tissus tremblants de la lumière. Et toutes ces figures étincelantes à qui nous mêlons les profondes légendes hellènes et arabes, Wega, doucement vacillante sur la Lyre ; Capella aux larges raies, Altaïr, Arcturus, Andromède, Persée, Ophiucus, Hercule, le Cygne, Pégase, palpitèrent sur un des grands drames de l’histoire humaine. Car, dès les ombres venues, l’armée ottomane s’était ébranlée, frénétiquement. Elle marchait, elle courait, aussi hasardeuse qu’une horde préhistorique ; elle se précipitait au grand hasard