Page:Rosny aîné - La Mort de la Terre - Contes, Plon, 1912.djvu/222

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
208
CONTES. — PREMIÈRE SÉRIE

Dans les péripéties du départ, j’avais oublié mon revolver, un beau revolver à balles blindées, dont je me servais avec quelque adresse. Pas d’autre arme que la hachette, une trique, la broche… Ce n’est pas avec cela que je tiendrais en respect des bandits bien armés, à qui l’isolement de la bicoque et la rafale permettaient d’user sans risque des armes à feu.

« Oui, rêvais-je, c’est idiot !… Ils me tueraient comme un porc. »

Je me demandais s’il ne vaudrait pas mieux mettre mon manteau et aller dormir là-bas, à l’auberge de la Bécasse, lorsqu’on frappa à la porte principale :

— Les voilà ! murmurai-je.

Mon cœur se serra tellement que je crus perdre le sens, puis il me vint une sorte de calme sinistre. Je dus penser à beaucoup de choses ; je ne me souviens que de mon idée finale, et encore était-ce une idée ? Quoi qu’il en soit, je me dirigeai vers la porte et criai :

— Qui va là ?

— Des voyageurs perdus, répondit une voix rauque, et qui voudraient bien se reposer un petit moment.

Je percevais très bien une ironie macabre mêlée à un accent mi-plaintif.

— Je ne voudrais pas être à votre place, répondis-je, par cette sacrée pluie. Le temps de tirer le verrou, et vous passerez ici la nuit, si ça peut vous faire plaisir.