Page:Rosny aîné - La Mort de la Terre - Contes, Plon, 1912.djvu/223

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
209
UN SOIR

Je tirai le verrou avec décision ; puis, ayant tourné la grande clef, j’ouvris la porte au large. La lueur rougeâtre de la lampe me montra quatre personnages diversement ficelés. L’eau ruisselait de leurs chapeaux de paille.

— Ah ! bien ! dis-je… vous êtes salement trempés. Un coup de vin ne vous fera pas de mal. Entrez ! Entrez !

Ils s’entre-regardèrent avec un air sournois et étonné. Puis, l’un d’eux, trapu, une face d’assassin, répondit :

— Vous êtes bien honnête.

Et il entra, tout de suite suivi par les trois autres. Ce moment aurait dû être effroyable. Pourtant, je ne crois pas, ni par un seul geste, ni même par un mouvement de physionomie, avoir trahi la moindre inquiétude. Le sentiment de la fatalité m’apaisait. Aucun mahométan, j’en suis sûr, n’a jamais connu plus pleinement que moi à cette minute, l’acceptation de l’inévitable. J’indiquai aux hommes des patères pour suspendre leurs chapeaux, et je remarquai, alors seulement, que deux de mes hôtes portaient un petit sac de toile : évidemment les sacs aux outils

— Vous avez peut-être faim ? fis-je avec rondeur. Je n’ai malheureusement pas grand’chose à vous offrir : du pain, un reste de rôti, quelques tranches de jambon, deux ou trois bouteilles de vin…

L’homme à tête d’assassin me considéra avec attention ; puis il grommela :