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CONTES. — PREMIÈRE SÉRIE

odoriférante, qu’il n’avait ni la goutte, ni le diabète, ni l’artério-sclérose, et que la crainte de l’avenir lui était inconnue, il pouvait faire la pige aux personnages les plus joviaux de l’histoire et de la fable.

Cette vie simple se compliqua. Un mardi du mois de mai 1887, un télégramme survint, libellé avec laconisme :

« Beau-frère Rivoir mort subitement. »

Rivoir habitait le Havre, où il exerçait divers négoces maritimes. Il y avait entre lui et Antoine une vieille rancune. Née de vétilles, elle s’était accrue de vétilles. Rivoir, personnage maniaque, exécrait Malavaine pour sa chance, qu’il qualifiait d’immorale. Après la mort d’Alice, sœur d’Antoine, la rupture fut définitive. Rivoir, cependant, tirait tous les diables par la queue ; il aurait, s’il l’avait voulu, reçu des subsides du beau-frère : plutôt fût-il mort de faim que de les accepter.

Il laissait un fils de douze ans, que Malavaine n’avait vu qu’au berceau. Et, quelque sentiment qu’on ait de la famille, comment s’intéresser à des créatures dont on ignore la silhouette ?

Le télégramme dirigea Antoine vers le Havre, d’où il rapporta l’homoncule. Le petit Maurice était un boy frais, entre le blond et le châtain,