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LE SAUVETEUR


À Pierre Valdagne.

Nous trouvâmes notre ami sur la falaise, en suroit, bottes de mer et petit chapeau de cuir bouilli. Le temps était doux, l’eau belle, et notre ami soupirait.

— Est-ce drôle ? murmura-t-il, je n’aime plus que la tempête et les sauvetages… Je sais bien que c’est immoral, mais je n’y puis rien faire !

Nous savions que, dans le cours de cette saison, il avait sauvé la vie à une dizaine de personnes. Et Pierre Larue lui dit :

— Ton dévouement est admirable !

— Non ! fit-il en secouant mélancoliquement la tête… il n’y a là rien d’admirable. C’est une passion… une passion comme le jeu, l’ivrognerie, la débauche… J’en suis arrivé à la monomanie du sauvetage. J’aurais dû me défier, dès le début, car le mal m’a pris sans crier gare : j’ai tout de suite été grisé.