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CONTES. — PREMIÈRE SÉRIE

capitaine, et lorsque son père tomba sous les balles, il fut le premier auprès du cadavre. Ceux qui l’ont aperçu alors et pendant les heures qui suivirent furent frappés de sa physionomie : il semblait que ses yeux et son visage ne fussent plus les mêmes ; on avait l’impression que cette jeune âme venait de mûrir brusquement et terriblement.

Il ne dit rien de significatif, durant le séjour des Allemands. Mais, quand le détachement quitta le village, Maurice Charval disparut. Il suivit l’ennemi pendant plusieurs étapes. Enfin, un soir, la compagnie fit halte dans un village complètement abandonné, un village que l’incendie, le pillage, l’assassinat avaient rendu insupportable à ses habitants. Le détachement s’établit tant bien que mal dans les cahutes ; le capitaine et deux premiers lieutenants élurent une demeure relativement confortable. Comme on avait des raisons de craindre quelque surprise des francs-tireurs, ordre fut donné de ne pas faire de feu en dehors des demeures — et on établit double garde. Tout cela n’empêcha pas Maurice de s’introduire dans le village et de se glisser dans la maison où gîtait le capitaine. Il s’y était réfugié dans les combles ; il attendait que les hôtes fussent endormis. Les circonstances le favorisèrent, en ce sens que les Allemands découvrirent du vieux vin et du cognac au fond de la cave : le capitaine et les lieutenants se payèrent une bordée qui rendit leur sommeil