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LE MAGE RUSTIQUE

visage crispé se détendit ; peu à peu, l’enfant cessa de se plaindre et s’endormit. L’homme garda son attitude pendant plus d’une demi-heure. Il était devenu pâle ; il frissonnait ; nous l’entendions haleter, comme quelqu’un qui a fait une course rapide…

— Je n’en peux plus ! dit-il enfin… Mathilde, prenez l’enfant et marchez de long en large…

Il mit lui-même l’enfant dans les bras de la fille, puis il se laissa aller en arrière dans un fauteuil et parut s’assoupir. Nous étions, ma femme et moi, en proie à une agitation frénétique. À mesure que le temps s’écoulait, nous perdions le sens des réalités quotidiennes. Une atmosphère étrange nous pénétrait. Nous avions le sens très net d’une vie universelle, non pas composée d’êtres précis, et non pas séparée de la nôtre, mais enveloppante, infinie, faite de vibrations plus ténues, plus rapides que tout ce que nous nommons lumière, magnétisme ou électricité…

L’homme s’éveilla, prit dans la poche de son gilet un flacon, en avala quelques gorgées, puis s’abandonna de nouveau à son assoupissement. Se redressant enfin, il reprit l’enfant des bras de Mathilde, le remit au lit, recroisa les pieds et saisit entre ses mains les petites menottes blanches…

Jusqu’à l’aube, l’homme continua son œuvre. Il était devenu livide, il s’épuisait à vue d’œil