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CONTES. — PREMIÈRE SÉRIE

des ours, ne me déplut pas. L’énergie et la puissance sourdaient de son regard autant que de sa rude musculature.

— Où donc avez-vous appris à guérir ? lui demandai-je.

Il répondit avec simplicité :

— Je ne guéris pas, monsieur… Je donne ma force !…

Était-ce le calme souverain de ce grand visage, était-ce quelque obscur magnétisme ? Ces paroles me rendirent presque confiance. Je menai l’homme auprès du petit, qui, immobile, les paupières closes, gémissait d’une voix défaillante.

— Il est bien bas ! murmura le guérisseur…

Il se dressa, me planta son regard dans les yeux et dit avec autorité :

— Faut vous confier entièrement à moi… Y a encore une chance… Mais c’est à condition que je sois le maître… Puis, il me faut aussi quelqu’un de fort et de sain.

Il me considéra, puis il considéra ma femme, qui se tenait devant lui, pâle et défaite :

— Pas vous autres… Le chagrin vous travaille trop… La Mathilde plutôt. C’est une fille bien plantée…

Il n’ajouta plus un mot. Son visage prit une expression formidable et douce. Il se pencha sur l’enfant, il lui massa lentement les membres et la poitrine. Puis, il croisa les petits pieds et prit les menottes entre ses paumes géantes. Le pâle