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CONTES. — DEUXIÈME SÉRIE

trois bonnes chances dans ma vie. Grâce à la première, je devins plusieurs fois millionnaire. La seconde me hissa à la plate-forme des cinquante millions. La troisième m’a classé parmi les grands rois de l’industrie américaine. Mais c’est la première dont je garde le plus profond souvenir : c’est après tout la plus décisive. J’aime à y rêver, quand les affaires me laissent une minute, d’autant plus qu’elle me ramène vers la jeunesse et, hélas ! il n’y a pas de milliards qui vaillent l’œil, le pied et le cœur de la vingtième année. Demandez plutôt au vieux Carnegie. Il a poussé à ce propos des gémissements qui ne dépareraient pas les œuvres de Jérémie.

Donc j’avais vingt-cinq ans, et je courais le monde en quête d’affaires. Je n’avais pas de préférence. Je me sentais, comme tant d’autres de mes compatriotes, apte à toutes les entreprises. Pour l’heure, je revenais d’un ignoble et puant pays où j’avais épuisé mes économies à « tâter » du pétrole. Les sondages n’ayant pas réussi, je m’en retournais vers le Texas, la poche à peu près vide et n’ayant pas d’autre propriété que mon cheval, un bon rifle, un bowie, deux revolvers et des munitions. Un sale moment dans ma vie ! Oui, un sale moment, en vérité ! Il faut dire