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LE DORMEUR

que c’était la seconde fois que je dégringolais. Trois ans auparavant, j’avais déjà perdu toute mon épargne à chercher du cuivre là où il n’y avait que des pierres. Je voyais l’avenir en noir, — et la région que je traversais, marécageuse et sinistre, n’était pas faite pour me réconforter. Un matin d’octobre, par un temps « pourri », sous un ciel bas, où les nuages traînaient comme du linge mal lavé, je trottais le long de la savane. Je me sentais plus mélancolique encore qu’à l’ordinaire, d’autant plus que mes vêtements étaient humides depuis la veille, ce qui est bien la chose la plus inconfortable que je connaisse. Vers midi, apercevant un bouquet d’érables, je résolus d’y faire halte pour manger une boulette de pemmican et une briquette de biscuit. Quand nous parvînmes près des arbres, mon cheval fit un écart : j’aperçus une jument qui paissait la savane et un homme étendu sur le sol. Après avoir décroché mon rifle, car ce sacré pays pullulait de pirates, j’arrêtai ma bête et je considérai l’individu. Il avait l’air de dormir, mais il pouvait tout aussi bien être mort. Pour éclaircir la situation, il fallait descendre de cheval, ce que je me décidai à faire. Eh bien ! l’homme n’était pas mort. Toutefois il respirait à peine et son cœur battait assez mollement. J’eus beau le secouer, grogner comme un ours, hurler comme un loup, il demeura insensible.

Dépourvu de la plus légère notion médicale, je ne pouvais naturellement rien faire. Je me