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Page:Rosny aîné - La Mort de la Terre - Contes, Plon, 1912.djvu/308

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CONTES. — DEUXIÈME SÉRIE

— Viens, Anastasie, j’ai retrouvé la route.

Et elle entraînait la bonne, elle courait de toutes ses forces. Il y eut un moment terrible, où des vagues hurlèrent tout près des fugitives. Mais un tertre les sauva, puis une espèce de chaussée, et, toujours guidées par la lumière, elles atteignirent enfin une grande maison blanche sur le versant de la colline. Elles étaient hors d’atteinte. Des braves gens les accueillirent ; elles passèrent la soirée à la lueur de la lampe, de cette lampe qui les avait sauvées et à laquelle Julienne manifestait une telle gratitude que ses propriétaires lui en firent cadeau.

Entrée dans la famille, la lampe eut une histoire digne de ses débuts. Elle présida à des événements graves ou joyeux, mais presque toujours favorables, comme, par exemple, la fortune de mon père. Comme vous le savez, mon père fut un historien. Il avait la manie des documents. Le pays d’où nous sommes originaires fourmillait, à cette époque, de pièces curieuses, cachées dans d’antiques manoirs dont les propriétaires se prêtaient avec indulgence à la manie de mon ascendant. Il arriva même qu’un vieux maniaque, le dernier rejeton d’une famille lettrée, légua à mon père tout son patrimoine. À la vérité, c’était peu