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Page:Rosny aîné - La Mort de la Terre - Contes, Plon, 1912.djvu/312

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CONTES. — DEUXIÈME SÉRIE

sculptée comme les meubles gothiques, un fauteuil vaste comme un lit, une grosse lampe de forme archaïque, un livre entr’ouvert. C’était une scène muette. Les meubles et la lampe en semblaient les seuls personnages. Hélène fut prise de curiosité. Elle poussa la première porte qui se présenta à ses regards et qui était entre-bâillée, elle se pencha sur le livre, qui se trouva être un grimoire mystique. Elle lut : « Toi qui es venue à travers la nuit, jusqu’à la chambre solitaire, tu entreras dans la famille de l’homme qui viendra te rejoindre. »

Tandis qu’elle lisait, un craquement se fit entendre, et comme le silence et la solitude avaient rendu Hélène un peu nerveuse, elle eut un grand frisson. La porte s’ouvrit ; elle vit apparaître mon père qui, laissant à ma mère le soin des invités, venait se reposer dans son cabinet de travail. Il sourit à la belle jeune fille et l’interrogea gaiement sur les motifs qui l’avaient amenée jusque-là.

La conversation de mon père avait du charme ; Hélène, lorsqu’elle reparut sur la terrasse, gardait de sa petite aventure un souvenir attendri, et gentiment fantastique. Elle y songea les jours suivants. Le passage du grimoire la hantait ; en même temps, elle sentait qu’il ne lui serait pas désagréable d’entrer dans notre famille. Et, jour par jour, elle me préféra à mes rivaux jusqu’à ce qu’enfin elle me donnât sa petite main devant le