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Page:Rosny aîné - La Mort de la Terre - Contes, Plon, 1912.djvu/311

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LE QUINQUET

Passons au troisième événement, qui, cette fois, me concerne, et qui est de l’ordre idyllique. J’avais vingt-quatre ans alors. J’étais désespérément amoureux d’Hélène l’ombreuse. La passion que j’avais pour cette fille étincelante était partagée par dix rivaux. Hélène avait reçu les dons mystérieux de la grâce, elle était non seulement éclairée par la torche blonde de ses cheveux et la flamme écarlate de sa lèvre, mais je ne sais quelle féerie accompagnait ses mouvements, quelle force douce et puissante. Aussi, trop désirée, ne se décidait-elle pas à choisir.

Un soir, elle assistait à une réception que donnaient mes parents, dans notre château des Mouettes. Une nuit lactée s’étendait sur les arbres ; on dansait sur la pelouse et, pendant les pauses, on se répandait à travers les jardins et jusque dans les allées du parc. Il arriva qu’Hélène se perdit dans un sentier. Des massifs lui cachèrent les lumières de la terrasse et des salons. La jeune fille, impatiente, marchait très vite et s’égarait davantage. À la fin, elle aperçut une lueur, la petite lueur des légendes, tout au bout d’une allée étroite. Elle y marcha instinctivement, elle finit par se trouver à l’extrémité d’une aile du château, et elle pouvait voir, à travers un rideau léger, une table épaisse,