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CONTES. — DEUXIÈME SÉRIE

m’a pas assez intéressé pour que je m’adresse aux agences…

— Ben ! on a une minute… Ce sera moi l’agence… Gerval appartient à une famille qui se perd dans les brumes de la guerre de Cent ans… Les Gerval de Brevilly, gens de sac et de corde sous Louis XI, se trouvent sous François Ier avoir acquis brutalement de vastes domaines, dont le plus notoire donnait rang de marquis. La branche aînée, dont est notre ami, demeura riche jusqu’à la Révolution, quoiqu’elle eût bu et mangé pas mal de pâturages, de forêts et de terres labourées. À la Révolution, par exemple, le Tiers leur escamota le plus clair de leur avoir. Sous Louis XVIII, ils retrouvèrent quelques menus domaines et eurent leurs miettes au gâteau du milliard. Ils n’avaient rien appris, comme dit l’autre, et ils n’avaient pas oublié l’art de faire danser les écus. Cette faculté précieuse s’étant transmise à leur fils, Gerval se trouva un beau jour orphelin d’un père ruiné jusqu’aux orteils, avec pour tous protecteurs deux ou trois oncles et tantes qui tiraient le diable par la queue et n’avaient pas le cœur tendre. Ils consentirent toutefois à s’assembler en une sorte de conseil de famille et discutèrent sur le sort du petit, qui avait alors dix ans et se rendait parfaitement compte de la situation.

La scène se passait dans une mauvaise chambre garnie, proche de celle où leur parent avait crevé son pneu. Le petit en attendait l’issue dans un