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Page:Rosny aîné - La Mort de la Terre - Contes, Plon, 1912.djvu/340

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CONTES. — DEUXIÈME SÉRIE

de Brevilly, grand vieillard ficelle, dont les paupières semblaient sous l’influence de perpétuels coups de poing :

— Mon petit garçon, fit le comte Népomucène, en faisant craquer ses phalanges… dans notre famille, on n’y va pas par quatre chemins. Tu as dix ans, tu es un homme !… En ratissant nos poches jusqu’à la trame, nous avons réuni vingt-trois francs… C’est toute ta fortune… et c’est tout ce que nous pourrons faire pour toi… la noble race des Brevilly est réduite à la gueuserie… Il nous reste un semblant d’influence dont nous userons pour t’épargner l’Assistance publique en te faisant entrer à l’Orphelinat du Bon Berger…

— Sauf respect, interrompit le menuisier, j’ai entendu dire que l’Orphelinat du Bon Berger était une sale turne !

— Mon bon ami, fit le comte Népomucène, si vous vous mêliez de ce qui vous regarde ?…

Ce Népomucène avait encore je ne sais quel fantôme de grand air. Le menuisier demeura vingt ou trente secondes interloqué.

— Faites excuse, dit-il, je voudrais savoir ce que l’petit pense de ça… Est-ce que ça t’chante, mon garçon, d’aller au Bon Berger ?

— Oh ! non, répliqua Richard avec dégoût et tristesse… ça me fait peur !

Et il tournait vers le menuisier un regard suppliant.

— Ben quoi ! fit l’artisan… moi, ça m’chavire