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Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/16

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— Il faut en finir avec la houille !

Une poudre crayeuse blanchissait ses bottines et grisaillait les grandes ailes de son chapeau. Il montrait des joues mates, une longue barbe fauve, des yeux qui s’allumaient et se voilaient avec brusquerie, larges, câlins, ardents et d’une sincérité extraordinaire. Sa stature était trapue, non lourde ; il avait les jambes du bon fantassin, bien jointées et flexibles ; il les gardait légèrement repliées pendant la marche, ce qui accroît l’endurance. Et c’était un mâle bien construit, aux chairs nettes, fait pour produire une postérité nombreuse.

Étonné de voir des gens courir à travers champs, il demanda à un jardinier qui allongeait des pattes de faucheux :

— Qu’est-ce qui se passe ?

— Y a un éboulement au puits de carrière qu’on fonce là-bas. Dix morts, qu’on dit.

— C’est dégoûtant ! s’exclama l’homme.

Et il suivit le jardinier. La foule grouillait, vers la droite de Gentilly, sur le champ en jachère, autour d’un hangar. La police la maintenait mollement, et parmi des amas de terre, de poteaux et de madriers, se démenaient des travailleurs dont plusieurs n’émergeaient qu’à mi-torse. L’homme se mêla au peuple et tenta de se rendre compte. Il finit par savoir que trois puisatiers étaient ensevelis et qu’on travaillait depuis une heure à les délivrer. Mais les chances semblaient décroître à mesure qu’on déblayait.

— On va faire appeler le génie ! expliqua un carreleur au crâne tondu. Puis, y faut des machines. Car pour des hommes, y n’en manque pas, y en a trop… vu qu’y a pas de place.

Il montrait plusieurs sauveteurs que la police écartait sans rudesse. Parmi eux, un homme bancroche, à la barbe sablonneuse, vociférait :

— C’est moi, Isidore Pouraille, que je dis, le