Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/177

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une inconvenance de la part de mes hommes. Enfin, puisque vous êtes là, parlez.

François ne broncha pas devant la dédaigneuse froideur du patron charpentier. Il répondit avec un flegme égal :

— Vos ouvriers sont décidés à ne pas travailler avec des renards.

— Je prie mes ouvriers de me laisser tranquille. Je les paye, n’est-ce pas, au prix convenu. Qu’est-ce qu’il leur faut de plus ?

— L’observation des traités. Vous vous êtes engagé à ne prendre que des charpentiers syndiqués.

— C’est exact. Mais les charpentiers se sont engagés à faire mon travail. Ils ne le font pas !

Flammant avait saisi un crayon de bois blanc, long et gros comme une petite canne. Il tapait sur son secrétaire, pour ponctuer ses paroles :

— Non ! insista-t-il, ils ne font pas l’ouvrage. Ils volent leur salaire. Sans rime ni raison, car je ne suis pas un patron brutal ni injuste, ils se sont mis à saboter. Ils le font salement : ils se donnent l’air de travailler alors qu’ils ne fichent pas un clou ; ils abîment la marchandise et m’exposent à des procès, pour malfaçon. Sauf respect, ce sont des cochons.

Il s’arrêta pour fourrer son petit doigt dans son oreille :

— Des cochons stupides, des cochons sournois, des cochons lâches ! reprit-il. Et du moment qu’ils me trompent sur la qualité et sur la quantité de la tâche, je n’ai plus aucun devoir envers eux. C’est la raison pour laquelle j’ai engagé deux autres travailleurs.

— Des travailleurs qui trahissent leurs camarades en acceptant un salaire réduit.

— Je ne vois pas là de trahison ! Mais quand il y en aurait ? Mes cochons d’ouvriers ne méritent pas mieux. Du reste, remarquez que je ne les ai pas pris pour mon plaisir ; mais parce que les autres ne