Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/180

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ment, subi son influence. Mais comment et pourquoi refuser ? C’eût été malhonnête.

François refoula sa mauvaise humeur et répondit :

— Votre proposition est vague. Elle signifie, au fond, que vous renverrez les deux renards si vous êtes content du travail des syndiqués. Rien n’est plus élastique ni moins sûr que le contentement d’un patron ; c’est la porte ouverte à tous les despotismes et à toutes les déloyautés.

— En principe, oui. En réalité, l’esprit actuel des ouvriers renferme notre despotisme dans des limites extraordinairement étroites. Vous le savez bien, voyons ! Ensuite, votre traduction de ma pensée est imparfaite. Il ne s’agit pas de me satisfaire ; il s’agit de diminuer un peu, très peu, le fricotage. Tenez, je consens même à réduire considérablement le délai. S’il y a amélioration dans le travail de mes hommes, c’est au bout de la semaine que les nouveaux recevront mon remerciement et nous sommes mardi.

— Soit ! répondit froidement Rougemont. Quoique je fasse les plus expresses réserves sur ce que vous appelez le fricotage de vos travailleurs, quoique je croie qu’ils en font beaucoup plus que pour leur salaire, je transmettrai votre proposition.

— Faites toutes les réserves qu’il vous plaira, fit Flammant avec bénévolence ; faites-en dix fois davantage : si mes ouvriers veulent mettre seulement un atome de conscience dans leur travail, ils peuvent chanter la Carmagnole et l’Internationale. La musique ne me fait pas peur.


Rougemont sortit de cette entrevue avec des oreilles chaudes. Sa colère lui conseilla de pousser à l’ultimatum, dût la grève s’ensuivre ; sa conscience ne le voulut point. Il rassembla les charpentiers et dépensa avec eux l’éloquence et la diplomatie dont