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Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/185

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gageaient au hasard des palabres ; quelques-uns s’en moquaient. Mais en somme, une part de boycottage était sûre, une menace planait et on laisserait entendre que la campagne serait poursuivie avec acharnement. Après douze jours de campagne, deux délégués se présentèrent à Mercœur et lui exposèrent la situation. Le maréchal les écouta avec patience et répondit sans acrimonie :

— Ce n’est pas mal trouvé. Je vais voir si ce n’est pas un bluff.

Il fit son enquête et, convaincu que l’idée de boycottage s’était répandue, il se prêta à une nouvelle entrevue :

— Ça risque de retomber sur le nez de mes hommes ! déclara-t-il. Provisoirement, nous maintiendrons les salaires, mais pour que cela dure, il sera pratique d’engager les charretiers à me donner la préférence.

Plus que toute autre, cette courte campagne consolida le prestige du meneur.


Ainsi François Rougemont entretenait dans son territoire de propagande cette fermentation vive, cette action directe qui sert ensemble l’intérêt immédiat des prolétaires et les façonne pour l’avenir. Il ne s’en tenait pas aux manifestations de grande envergure, il faisait faire une chasse amicale ou rude aux non-syndiqués, il excitait au sabotage, partout où les patrons montraient trop de sévérité ou trop de morgue ; il veillait, avec un soin jaloux, à ce que les travailleurs et les ménagères se pourvussent chez les commerçants qui faisaient usage du Label. Les adhérents vinrent par centaines aux syndicats et acceptèrent les lois de la C. G. T. Des industriels, qui auraient résisté à une grève ouverte, s’effarèrent et s’assouplirent devant de sournoises détériorations et des malfaçons ingénieuses. Non seulement des établissements considérables du quar-