Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/186

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tier d’Italie — la grande Épicerie Continentale, la boucherie Mouchardin, le Bazar d’Afrique, la Cordonnerie Centrale, les magasins du Soldat Cultivateur et la chemiserie Brouardel — mais encore les menus commerçants des Terrains Vagues sollicitèrent le droit à la marque syndicale.

François s’entendait à organiser la surveillance, tout en économisant son propre effort. Il utilisait la vanité et l’enthousiasme d’individus en qui il flairait le sens des masses, une force contagieuse ou une certaine ardeur de police.

Il subit pourtant des échecs, mais, pour avoir opéré sa retraite en temps utile, il était seul à les connaître.

Au bout de la rue Brillat-Savarin existait une fabrique d’automobiles. Ce n’était pas un établissement considérable. On y réparait plus de vieilles machines qu’on n’en fabriquait de neuves. Le patron, homme riche en stratagèmes, écoulait sa marchandise de cent manières. C’était un personnage obèse, asthmatique et eczémateux, avec une face à couennes, couleur pommes de terre frites, et que parait un nez plein de bulbes. Ses petits yeux d’encre virevoltaient, dont le regard tranchant surveillait les événements et les êtres avec une agilité incomparable. Il joignait la poigne à l’astuce et savait tirer le maximum d’effort de ses mécaniciens. Il imposait une discipline et une exactitude rigoureuses. En retour, il n’était point avare. Lorsqu’il exigeait des heures de nuit, il faisait distribuer du vin et quelque charcuterie ; après de bonnes affaires, il accordait des primes. Mais la désobéissance, la paresse ou le mauvais travail entraînaient un congé impitoyable.

Pour mieux tenir son personnel, il n’admettait point, ou guère, de rouges. Au total, sa fabrique comportait un travail exténuant et Charles Bourgoin passait à juste titre pour un useur d’hommes.