Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/211

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a pas eu d’époque assez terrible pour que j’eusse renoncé.

— Alors, intervint Charles Garrigues d’une voix tremblante, il y aurait éternellement des hommes condamnés à souffrir de la migraine comme nous en avons souffert maman et moi ?

— Ou si la migraine disparaissait, répondit Christine, ce serait pour être remplacée par un mal plus aigu.

— Non ! s’écria la vieille Antoinette avec horreur. Au fond vous ne le pensez pas !

— Mais si, je le pense.

— C’est affreux ! Si j’en étais sûre, je ne m’en consolerais jamais.

Le visage du petit Antoine refléta la crainte qui animait les yeux creux de la grand’mère et de Charles. Une même révolte les soulevait. De ce que la douleur demeurerait invincible, il semblait qu’elle pesât plus lourde et plus implacable sur l’heure présente. Et ils voulaient ardemment l’espérance d’une époque où les hommes lui échapperaient enfin, où ils l’auraient traquée et anéantie comme les bêtes féroces au fond des bois.

— Vous le voyez ! remarqua Rougemont. L’instinct a parlé… nous tuerons la souffrance.

— Oui, fit doucement Christine. L’instinct a parlé, l’instinct du miracle, l’antique instinct religieux. L’homme voudra toujours le paradis.