Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/214

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Mais, connaissant la force du charcutier et aussi ce qu’il lui servait de litres, de bocks ou de mazagrans, il s’humilia :

— Vous voulez rire, m’sieu Varang ! Ce que j’en dis, c’est rapport à la casse… Mais tant qu’à vous faire une impolitesse, faudrait être un veau.

— Alors, fourre-toi dans ton armoire !

Le cabaretier sauvegarda sa dignité en ramassant quelques verres. Son intervention n’avait pas été inutile. La dispute était rompue. Ni le charcutier, ni le typographe ne savaient comment la reprendre. Après une pause, Varang se borna à dire :

— C’est égal, y tombera des nèfles des marronniers le jour où le sauteur fera la pige à Deslandes !

— Parle toujours, tu m’intéresses !… Ça serait la bataille de la souris et de l’éléphant !

— Ah ! et puis, en v’là assez, intervint brusquement Dutilleul. C’est pas la peine de faire les mangeurs de gosses. Si vous êtes des hommes, on peut s’entendre. Moi, je flanque un défi au sieur Deslandes et c’est pas le camarade Rougemont qui canera.

— Un défi ? vociféra le charcutier.… Tu vas pas leur proposer une partie de savate ?

Dutilleul tourna vers lui son visage irritable ; ses balafres dansaient ; on voyait houler la barbe et les moustaches :

— La ferme ! Si votre Deslandes ose risquer une séance publique et contradictoire, je me charge de lui en fournir les moyens. Et ça ne sera pas long.

Fais-moi ton p’tit cadeau ! fredonna Varang. De quelle poche la tireras-tu, ta séance contradictoire ?

— T’inquiète pas de ça !… J’ai mon plan. Savoir seulement si le sieur Deslandes ne canera pas !

— Lui, caner devant ton danseur de corde !… Tu verras ce qu’il lui fera prendre pour ses cors aux pieds !

— Ça veut-il dire que tu en réponds ?