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Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/22

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apitoie qu’à la surface ; nos plaintes les irritent, nos réclamations les indignent. Comme leurs pères de 48 et de 71, nos maîtres sont prêts à nous faire fusiller et déporter. Nous sommes les chevaux ; ils sont les hommes : ils ne sauraient comprendre que les chevaux veuillent être des hommes. Allez ! nous ne les tiendrons que par la crainte, nous n’aurons que ce que nous saurons conquérir. Et nous ne conquerrons que par notre action personnelle. Ceux qui mettent leur confiance dans la politique seront pris au pire des pièges. Ils verront successivement de nouveaux partis bourgeois se former avec les troupes qui devaient défendre la cause ouvrière ; ils verront les ministères, les hommes, les emplois aller de Pierre à Paul et de Jacques à Auguste. Augagneur gouvernera Madagascar et l’homme de Limoges ira toucher les impôts à la Réunion. La politique corrompt à coup sûr tous ceux qu’elle touche : c’est la mouche à viande du socialisme.

Il baissa la tête et releva doucement sa barbe, du revers de la main, puis :

— Lors même qu’ils seraient irréprochables, les députés socialistes s’agiteraient dans le vide. Car ils entretiennent une confusion qui retarde sans fin la victoire du prolétariat. Il n’y a de commun entre eux et les syndicats qu’une vague aspiration, encore étouffée par la fatalité politique. En effet, le parti socialiste assemble au hasard des bourgeois et des ouvriers de catégories diverses. Tous ces gens ont des intérêts contradictoires ; ils ne peuvent s’entendre que sur des réformes secondaires : pour le reste, ils chicanent, et bien inutilement, incapables de se convertir aux idées les uns des autres, ni même de les comprendre. Par suite, un député se montrera d’autant plus embarrassé qu’il sera plus honnête : tout finira par de ridicules palabres, par un gaspillage formidable de force et de temps.

Combien différente est l’action syndicale ! D’abord,