Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/240

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Vive l’armée ! Vive l’armée ! Vive l’armée ! » Et Christine, debout, pleine de pitié et de mépris, considérait la foule retentissante. Emporté par la frénésie universelle, Combelard agitait sa sonnette en dansant une sorte de gigue et l’abattait sur la table, d’un geste de forgeron.

— Il faut purement et simplement supprimer le budget de la guerre et de la marine ! tonna François, d’une telle force, qu’il rompit le tumulte. La France doit donner d’un bloc, sans une hésitation, l’exemple du désarmement. Et ce serait quelque chose de si grand et de si beau que l’univers entier applaudirait, que toute l’humanité se tournerait vers elle ! De ce jour seulement nous serions à la tête des nations et notre patrie deviendrait la patrie des hommes libres ! »

— Sous la botte de Guillaume !

— Une Pologne !

— Du mou pour les chats !

— Vendu ! Fripouille ! Viande à youpins !

— … vivants dans l’eau bouillante comme des homards !

Toutefois, le tumulte s’apaisait. La voix de l’orateur se forçait sur les oreilles, haute comme une cloche, précise comme un clairon ;

— Libre, superbe et triomphante ! déclama-t-il. Reine des peuples, déesse des misérables ! Si nous désarmions, avant dix ans, la France serait une terre de pèlerinage… la Mecque des hommes. Avant vingt ans, les autres nations auraient suivi son exemple. Quant à faire de nous une Pologne, qu’ils y viennent ! Avez-vous donc oublié les enseignements de l’histoire ? Ne savez-vous pas que nos grandes armées, nos victoires innombrables — nous avons remporté à nous seuls autant de victoires que toute l’Europe réunie ! — n’ont tout de même abouti qu’à l’écrasement de Waterloo et à l’écrabouillement de Sedan ? Au contraire, l’Italie, démembrée pendant