Aller au contenu

Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/36

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Les grèves seront de belles écoles de lutte sociale. Elles ouvriront la voie aux instincts magnanimes, héroïques et aventureux qui aèrent l’âme humaine. Toujours mieux organisées, elles ne réduiront plus l’artisan à la famine, elles lui demanderont seulement de subir quelques privations, que la beauté de la révolte rendra presque joyeuses ; elles développeront la générosité, l’abnégation, le plus riche esprit de sacrifice. Leur souvenir éveillera des images magnifiques et fortes ; elles mêleront à la vie sociale ce passionnant imprévu que nous évoquent la forêt vierge, la plaine libre, la mer palpitante… De toutes parts, enfin, le prolétariat se fera des visions à base de réalité.

Qu’elles soient prises sur le chantier, dans les meetings, dans les émeutes, elles opposeront toujours la vie solidaire à la vie égoïste et la vie de l’exploité à celle de l’exploiteur !

Les syndicats s’y employaient déjà, mais mal. Isolés, ils demeuraient incultes. L’idéal était de les réunir en tribus, en provinces, en nations. Alors le travailleur appartiendrait à une race bien définie, une race ayant ses rites, ses aspirations, ses besoins « spécifiques », et qui se développerait en dehors et au-dessus de l’état parlementaire.

Cet idéal, ancien après tout, mais toujours noyé de politique, bénéficiait du développement des idées transformistes, peu à peu implantées dans le peuple, moins par les journaux et les brochures que par le sentiment des banqueroutes révolutionnaires.

En 1894, le principe d’une Confédération du travail s’imposait avec une force singulière. Un cri passa sur la France socialiste : « Pas de politique dans les syndicats ! » Au Congrès de Limoges, ce fut la forte devise de ralliement. Elle mit fin aux dissensions syndicales ; le socialisme se sentit plus jeune, plus vivant, plus près des réalités accessibles. Et pour François, c’était le renouveau. Le commu-