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DEUXIÈME PARTIE




I


L’automne coula, puis l’hiver. Rougemont alternait sa vie de travail et sa vie de propagande. Il s’occupait beaucoup d’une fédération de la rive gauche et portait la bonne parole jusqu’à Grenelle et aux extrémités de la Gare. Il voyait rarement Christine. Quand il l’apercevait chez Delaborde, et malgré qu’il se préparât à ces rencontres, il devenait pâle : Christine déclenchait toute émotivité latente dans les réserves de l’être. Le sang se jetait par torrents dans la poitrine, François était une pauvre chose nerveuse, sans force et sans vouloir.

D’habitude, elle s’effaçait dans une pénombre. Grand et profond souvenir, toujours prêt à redevenir une réalité, Christine n’entravait pas les actes de l’existence, elle y jetait seulement une fine buée de mélancolie.


La jeune fille voyait bien l’émotion de François, elle lui était reconnaissante de sa constance et l’en estimait. Aux heures de rêve, elle pensait que d’autres événements auraient pu favoriser l’aventure. Mais les heures du rêve étaient rares.