Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/390

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Fourru, Mangueraux, Haneuse Clarinette niaient énergiquement toute l’élite naturelle. Le hourvari régna, la joie de faire danser les tables et de vomir des injures énormes. Tous en revenaient, avec des mimiques furibondes, à cet axiome que l’injustice avait créé à la fois des inégalités morales et l’inégalité des fortunes.

Les jeunes Bossange, hissés sur une table, exécutaient une bourrée parmi les verres, ivres de nivellement, et les instincts aristocratiques, qui grouillaient dans chaque fibre d’Armand, contribuaient à rendre son enthousiasme plus incandescent.

— Camarades ! cria-t-il d’un air extatique… le problème a été mal posé !

Son attitude intéressa la Trompette de Jéricho qui, curieux de savoir ce qu’il voulait dire, prit sa voix de ventre, bourdonnante comme une grosse caisse :

— Faut écouter le jeune coq !

Il imita le bruit d’une sonnette avec une telle maëstria qu’il obtint le silence. Et Armand, plein de son idée, répétait :

— Le problème a été mal posé !

— Eh bien ! pose-le ton double six ! ricana Pouraille.

Le jeune homme devint très rouge en voyant tant de barbes dressées vers son visage glabre. Puis il déclara :

— Dans la société actuelle, il faut tenir compte des dégénérés !

— C’est ceusses qui boivent de l’eau ! s’égaya Isidore.

— C’est les Auvergnats ! fit Haneuse Clarinette.

— C’est les gourdes comme toi ! riposta un citoyen de Saint-Flour.

— Ce sont les bourgeois ! fit Goulard d’une voix pateline.

— La vérité sort de la bouche des enfants, riposta Dutilleul que la barbe de Goulard agaçait.