Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/401

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une main patiente. Le mécanicien recevait avec dignité les regards ravis des commères ; il en tirait toute sa gloire, sans que sa vertu fût atteinte, car cet homme, qui aurait pu se faire un harem, gardait sa force amoureuse pour la seule Amélie. Il attendait la révolution comme les autres, bien résolu à ne pas abîmer son complet dans les bagarres : pourtant, si son intervention devenait nécessaire, il mettrait des culottes de toile et une salopette. Mais il n’augurait que de bénignes bourrades : la C. G. T. avait cuisiné la troupe, à peine si quelques fusils cracheraient sur le peuple. À côté de lui, piété sur ses pattes percluses, avec un visage suant de crédulité, la Tomate écoutait Isidore :

— Et à quelle heure crois-tu qu’on mènera la danse ? demanda-t-il, quand le bancroche eut révélé que le Central télégraphique s’apprêtait à répandre, par toute la France, les ordres révolutionnaires.

— L’heure exacte, faudrait la demander au citoyen Rougemont, qui la tient de Griffuelhes. Seulement, y te la dirait pas ! Tout ce qu’on peut savoir, c’est que ça tombera l’après-midi.

C’était l’avis de Goulard. Il tenait qu’avant sept heures, la révolution envahirait les ministères, occuperait les casernes et ferait jouer le télégraphe. Bardoufle n’attachait aucune importance aux propos de Pouraille, mais François, ayant fait, la veille encore, un appel aux courages, l’homme aux gros fémurs attendait le déclenchement des circonstances. Cependant, chassés de leurs tanières par une curiosité identique, d’autres camarades gagnaient la porte de Pouraille. Il y eut Baraque, Cambrésy, Vacheron l’Acacia, Filâtre, Pignarre et Haneuse. Quoiqu’ils tinssent Isidore pour une tourte, ils s’hypnotisaient à ses allégations. Castaigne dit Thomas passa en compagnie de Tarmouche le Jaune. Entendant prophétiser, Castaigne ne put s’empêcher de dire :