Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/417

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en route et se donner un rendez-vous général.

— Pas la peine ! intervint Bollacq, le rendez-vous à la soupe, chacun chez soi. Pour marcher en masse, on verra après le déjeuner.

Dutilleul prit la tête, avec les Six Hommes. Alfred le Rouge conduisait les typographes et les mécaniciens. Isidore Pouraille tanguait entre Bardoufle et l’Empereur du jeu de bouchon, les trois maréchaux ferrants marchaient bras à bras, suivis des vidangeurs, de Filâtre, de Cambrésy, Berguin-sous-Presse, Boirot dit Cosaque, Félicien Canard, Gourjat, Baraque, Vacheron l’Acacia, Pignarre, Haneuse et vingt autres. Les jeunes antimilitaristes hésitaient entre le peloton des Six Hommes et la troupe d’Alfred le Rouge. Le premier les séduisait par son allure martiale, l’autre les attirait par la stature du typographe et une gaieté gauloise.

Un grand charme éclaira le départ. Entre ces hommes légèrement fouettés d’alcool, il se fit une communion de force et de douceur ; ils eurent l’âme des sectes, confiants, agressifs et altruistes. Le bruit de leurs pas les grisait, une horripilation picotait leur épiderme, avec des visions de bataille et de chasse, mêlées d’une insouciance généreuse. Rue de Tolbiac, ils demeurèrent en tas, pleins du regret de s’éparpiller. Dutilleul donna le signal :

— On se retrouvera !

Et il entraîna son groupe, chantant :


Y en a qu’aiment pas la sauc’ blanche
Ni les escargots ;
Moi, j’m’en bats l’œil, mais en r’vanche
J’ n’aim’ pas les sergots.