Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/416

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— C’est justement pour ça que le camarade Rougemont n’est pas ici. Il n’agira qu’au bon moment !

Gourjat n’était pas aussi persuadé qu’Isidore, mais, en affirmant, il se réhabilitait, il réagissait contre l’humiliation encore cuisante. Au reste, ses propos prirent la forme d’une vérité. La foule écoutait, ravie de croire que Rougemont obéissait à des raisons supérieures et que la C. G. T., après avoir tout réglé avec les troupes, ne demanderait au peuple qu’à paraître et à acclamer la Grève Générale.

Dutilleul sonnait l’hallali. Il voyait, dans la lueur rouge du Grand Soir, s’enfuir la bête bourgeoise ; les Six Hommes menaient une meute incommensurable ; les os craquaient comme des charpentes ; le sang coulait sur les trottoirs, avec le bruit joyeux des pluies d’équinoxe.

— Allons faire une reconnaissance ! proposa Alfred le Rouge.

— Ça ne servira à rien, puisqu’il n’y aura rien avant ce tantôt.

— Allons voir tout de même ; il y a toujours la hure des bourgeois !

Déjà Dutilleul et les Six Hommes étaient debout ; leurs gourdins cliquetèrent :

— Ah ! non, fit Alfred, à quoi que ça servirait de faire du potin ? Vous attraperiez la police dans les fesses et vous ne pourriez pas assister à la grande fête.

L’argument porta. Dutilleul, transi à l’idée qu’il serait au bloc pendant que se déchaînerait la tempête, abaissa sa trique et s’efforça de prendre un air pacifique.

— On se divisera par groupes. Les uns fileront par la rue Bobillot, par les Gobelins et par la rue Monge. Les autres passeront par le quartier Saint-Jacques ; une troisième fournée ira par le Lion et le boulevard Raspail. On pourra encore se diviser