Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/421

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Et la Trompette de Jéricho enflant son tonnerre :

— À la Bourse du travail !


Dutilleul et les Six Hommes, Alfred et les typographes, Isidore et Bardoufle, avec une douzaine de terrassiers et les jeunes antimilitaristes formèrent un coin et percèrent jusqu’au bureau des omnibus. Mais les brigades, renforcées, prirent le pas de charge, les dragons survinrent au trot ; la foule, avec une longue huée, rétrograda, tandis que les agents écrasaient des faces et passaient à tabac quelques citoyens malencontreux.

— En avant ! rugit Dutilleul, Touillons-leur le gros intestin, éclaboussons-les de leur propre m…

Sa trique et les triques des Six Hommes claquèrent ; Bardoufle épanouit ses pinces, Alfred fendit la foule avec des mouvements de nageur, Gourjat sonna la charge. Mais d’énormes tampons de chair les séparant des brigades, le reflux fut irrésistible ; un double barrage défendit la rue Turbigo et le boulevard Sébastopol.

— Rien à faire par ici ! tonna Gourjat ; il faut prendre la traverse…

— Par la rue aux Ours ! appuya Dutilleul.

Le groupe se condensa et, traçant sa trajectoire, se précipita par la rue aux Ours, la rue du Grenier-Saint-Lazare, la rue Michel-Lecomte. La foule se raréfiait. Pourtant, on percevait l’agitation prochaine aux allures nerveuses, aux faces tendues, aux conciliabules du trottoir et des caboulots. La rumeur d’une victoire révolutionnaire circulait avec cette rapidité qui étonnait les Romains pendant la conquête des Gaules. Lorsque parut la bande des Terrains-Vagues, les gens s’accumulèrent aux seuils et à la vitre des marchands de vins ; on se montrait le magasinier et les Six Hommes rangés en bataille, la tête rouge d’Alfred, Bardoufle tanguant sur ses