Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/449

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la bière et du vin qui a augmenté, et peut-être un peu celle des habits. Le pire, c’est que ça n’a servi qu’à faire pousser la graine de troquets, sans même enrichir ces bons citoyens : ils se font une concurrence dévorante. Quand je vais de ma turne jusqu’à la place d’Italie, j’en compte cinquante-neuf. Presque tous finissent par faire faillite ou par revendre leur trou à une poire. Il faut voir bâiller le garçon devant les tables vides ! Quant aux habits d’ouvriers, ah ! mes petits gosses, c’est fait par des malheureux et des malheureuses qui claquent de faim comme des Arabes sur une moisson mangée par la sauterelle. Les ouvriers et leurs dames « ralent » sur les frusques que c’en est dégoûtant, vu qu’il leur faut le perroquet et le caf-conce. Camarade Rougemont, tu parles bien, tu as la platine doublée à l’or « Fix », mais de me dire que les patrons peuvent continuer le train que leur fait danser la C. G. T., c’est du maboulisme ! La richesse ne se développe pas comme des lapins qu’on lâche dans une île déserte. C’est plus compliqué. C’est beaucoup plus compliqué ! Pour vous suivre dans votre petit jeu de l’augmentation des salaires produisant l’augmentation des échanges, et de celle-ci faisant naître la richesse à l’infini, il faudrait que tous, patrons et ouvriers, nous soyons beaucoup plus intelligents et de bien meilleure volonté. Les patrons, mon Dieu, pas par nature, mais par situation, sont plus dégourdis que les ouvriers, juste assez pour être patrons, mais ce ne sont pas des génies. Quant à leur bonne volonté… c’est des hommes comme les autres : il n’y a qu’à nous regarder entre camarades pour voir que notre bonne volonté, ça ne pèse pas des cent et des mille. Dans ces conditions, les patrons suffisent à leur tâche mieux que n’y suffiraient les prolétaires… pas très bien tout de même. Et lorsqu’il se présente du nouveau, ils sont estomaqués, ils retardent. Il leur