Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/450

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faut une évolution, quoi ! De croire que cette évolution va se faire comme ça, à la fourchette, parce qu’on décrétera de plus hauts gains, moins d’heures de travail, et aussi moins de travail à l’heure, j’aime autant croire les propos de mon curé. Si on lui demande trop, le gros patron ne saura plus où donner de la tête, et le petit fermera boutique. Il faut toujours tenir compte de la concurrence étrangère, même quand elle n’a pas l’air de nous concurrencer directement. Si le Français payait par trop cher tout ce qu’il consomme, par rapport aux Allemands ou aux Anglais, il finirait par y avoir une réaction. C’est inévitable !

— Et alors, il ne faut pas d’augmentation de salaires ? L’ouvrier travaillera au même prix et abattra la même quantité d’ouvrage jusqu’à la crevaison définitive ?

— Pas du tout ! s’écria Castaigne en tournant son bras droit comme s’il maniait une fronde. Je veux l’amélioration du sort des travailleurs, camarade Rougemont. Seulement, il y a la manière. Et la manière, c’est de demander ce que les patrons et l’accroissement de la richesse peuvent donner. Même je tiendrai compte d’un accroissement de la consommation avec l’augmentation des salaires… le jour où les suppléments n’iront plus chez les bistros et au beuglant. Mais pour ça, il faut que l’ouvrier apprenne à consommer moins bêtement. En attendant, le Parisien, je parle de celui qui a déjà les hauts salaires, car les pauvres bougres et les pauvres bougresses des bas métiers me font mal au cœur… en attendant, je dis, l’ouvrier parisien en demande trop. Comme les patrons ne peuvent plus le suivre, gare les machines. Ça va être comme en Angleterre. On maintiendra les prix, oui, mais on remplacera des cent et des cent mille hommes par la mécanique. C’est alors, mes amis, que vous verrez de chouettes chômages.