Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/48

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— V’là le raccommodeur de faïence… de porcelaine !

Ses yeux de poix roulèrent malicieusement, puis se couvrirent de la petite peau bleue des paupières. Il se hérissa, il devint une boule de peluche, il piqua son bec dans ses plumes ainsi que dans une pelote.

Garrigues et Rougemont allumèrent les braseros des pipes. Assis devant la fenêtre, ils accomplirent, en silence, le geste de la fumerie, étrange rite de confort et d’apaisement, rappel du foyer antique, de la petite flamme de l’autel et des nuages bleus de l’encens. Le vent élevait sa fièvre légère et la vie se dévoilait dans chaque figure des choses, dans chaque bouffée d’air ; elle volait jeune, étourdie, amoureuse. C’était une levée de genèse : il y avait des rendez-vous dans la rue, des chevelures rapides, et l’immense promesse qui pousse la jeune chair à travers le monde. Sous des formes imprécises et variables, les deux hommes aspiraient à ce bonheur mystérieux qui doit toujours venir, et dont les vieillards mêmes sentent encore le frôlement dans leur cervelle coriace.