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Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/47

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— Qui est-ce ? demanda Rougemont, lorsque la porte se fut refermée.

— C’est, fit Garrigues, la sœur de Marcel Deslandes, un mécanicien qui essaye d’organiser les syndicats jaunes. On dit qu’il a de l’habileté et de l’audace… autant que Biétry : ce n’est pas à Paris qu’il pourra réussir.

— Où fait-il campagne ?

— À la Maison-Blanche, la Gare, la Tombe-Issoire, le Grand et le Petit-Montrouge.

— Nous aurons donc à faire ensemble. Tant mieux ! La lutte donne plus d’ardeur aux recrues. Il peut compter que je ne le ménagerai pas. Les jaunes sont nos loups : j’ai quelquefois regret à voir traquer un bourgeois bon enfant — un jaune jamais ! Est-ce qu’il vit de la propagande ?

— Non. Il travaille chez Delaborde, l’imprimeur-éditeur du boulevard Masséna.

— Les collections d’art ?

— Justement.

— Ce Delaborde a parfois de bien jolies reliures, marmonna Rougemont d’un air rêveur. J’irai le voir.

Il rebroussa délicatement les plumes du geai qui picorait sur la table.

— Et la sœur ? reprit-il, avec une nuance agressive. Elle doit avoir ses brevets ? J’ai entendu deux imparfaits du subjonctif.

— Elle a ses brevets, oui. Pourtant elle n’a pas voulu enseigner ; elle prétend qu’il faut savoir deux ou trois métiers. Pour le moment, elle est brocheuse…

— Où ?

— Chez Delaborde aussi.

Il y eut une longue pause, durant laquelle Antoinette mit l’enfant au lit, tandis que le geai regagnait sa cage en imitant le bruit du marteau et en bredouillant :