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Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/522

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de papier, longea de petits platanes qui devaient ombrager les générations montantes, et parut devant la façade principale des forges. Là, elle contempla les sergents de ville. C’étaient des agents de banlieue, de structure légère ou basse, car la police de Paris absorbe les hommes de haute taille et déverse les athlètes aux brigades centrales. Les travailleurs du fer et du feu, aux bras renflés, aux rudes pectoraux, dédaignèrent ces flics chétifs : l’Homme-Pilon faisait manœuvrer ses biceps ; un puddleur crépu ricanait en se tapant les épaules. Mais cette force était bénévole.

— Attention ! s’exclama Hareng.

Une sirène éleva sa voix stridente ; les sergents de ville tournèrent tous ensemble la tête. Bientôt des silhouettes fumeuses surgirent aux portes des forges.

— Voilà ce qu’on va faire, dit Hanotteau d’un air malin. Le gros de la bande demeure ici pour occuper les sergents de ville ; pendant ce temps, on ira une vingtaine prêcher ces autres… Quand la conversation marchera bon train, tout le monde pourra rappliquer.

Rougemont, Hanotteau, Barjac, Jacques Lamotte, Labranche, le délégué de la C. G. T. et quelques compagnons connus pour leur langue agile et leur bonne humeur filèrent par la tangente, en ordre dispersé. Les agents, hypnotisés par la masse, ignorèrent cette manœuvre. Ils s’alignèrent pour maintenir la route libre aux Jaunes, qui s’avançaient, soupçonneux. Un grand sec, en salopette, tenait la tête. Les autres suivaient, le long des grilles, avec des airs sournois ou combatifs. Quelques-uns bombaient le torse. Il y en avait une trentaine. Leurs gros souliers raclaient la poussière, parfois un visage houilleux se tournait vers les grévistes. À mesure, l’escorte de police devenait moins nombreuse. Quand les Jaunes eurent longé