Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/524

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taire, il y fourra son nez, d’un air de mépris.

Les sergents de ville arrivaient de pied ferme et les cœurs s’emplirent de haine.

— Couennes !… Lavements de cochons !… Mangeurs de mouscaille ! hurlait Jacques Lamotte, d’autant plus furieux qu’il était venu avec l’intention de les faire rigoler.

Dans sa rage, il avait ramassé une pierre. Un des sergents de ville, petit homme au poil de taupe, les mains rouges comme des écrevisses, se jeta sur Lamotte et le saisit à la gorge.

— De quoi ! J’ai rien fait… T’as pas le droit de m’arrêter.

— On va voir si j’ai le droit !

L’homme du fer, plus solide, allait se dégager, lorsqu’un deuxième agent intervint, tandis qu’un autre faisait entendre le signal d’appel. Ça se gâtait. Le Merlan Truffé voulait délivrer Lamotte ; Jambloux et un peloton de Jaunes offraient leur aide à la police ; l’hostilité montait toute chaude ; et François Rougemont, surpris par l’incohérence des événements, se sentait lui-même pris d’une obscure colère. Il la contenait :

— Ce n’est pas raisonnable ! Personne ne veut de bagarre. Il n’y a qu’à lâcher notre camarade, et nous nous retirerons en bon ordre.

Mais les policiers s’acharnant sur Lamotte, l’Homme-aux-Tannes déclara d’une voix ferme :

— Qu’on me f… au bloc, mais je ne laisserai pas arrêter salement mon camarade !

Les renforts arrivaient. Sur la route, une vingtaine de sergents accouraient au pas gymnastique ; pêle-mêle, par champs et par chemins, on voyait trotter les grévistes.

— Un… deux… trois… cinq… comptait l’Homme-aux-Tannes.

À chaque chiffre, des compagnons s’avançaient d’un air farouche.