Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/83

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— V’là l’homme à la belle barbe ! fit une voix rieuse.

...............................« Il avait une barbe énorme,
...............................Qui servait à cacher ses poux,
................................…....Cacher ses poux ! »

Georgette Meulière avait jailli du groupe. Elle accourait, encore pâle des heures d’atelier, avec un petit cerne charmant autour des paupières. Et jetant son rire au visage de François, elle criait :

— Oh ! dites… vous allez faire du chambard ? Vous allez gueuler ?

Tandis que la longue Eulalie aux yeux de fournaise exécutait un pas de scottisch. Puis, tout l’atelier escorta le révolutionnaire. Alfred, le géant rouge, tenait Vérieulx par une omoplate ; le jeune Bossange se rapprochait doucement, avec une ferveur timide, plein du bonheur d’en être ; Varney, qui avait gardé sa blouse, montrait des dents énormes, dans un sourire menaçant ; Berguin-sous-Presse rangeait gravement une escouade ; les margeuses avançaient leurs faces de faubouriennes prêtes à la rigolade.

— Silence ! rugit brusquement Isidore, en tournant son poil sablonneux vers Georgette et la grande bringue. Celles qui rient, c’est des cannibales ou alors des Italboches. Y a une veuve et des orphelins !

Il se frappa copieusement le thorax.

Il avait pris un air sinistre. Mais il ne faisait pas peur à Georgette. Gosseline, elle s’amusait déjà de ses jambes en cercle et de ses engueulades : le brave homme était tout en paroles et en litres. Elle lui aurait ri au nez en l’invitant à une partie de cligne-musette, si elle n’avait pas trouvé ses paroles raisonnables. Car, sans respect pour les vivants, fussent-ils députés, médecins ou tireuses de cartes, elle professait le culte des morts. Dès qu’elle voyait un