Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/99

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au brillant visage, il demeurait intime, presque familier : on allait le soumettre et l’apaiser par des caresses.

— On peut bien dire que vous êtes une fée ! murmura la vieille femme.

François aussi s’émouvait. Il suivait d’un œil séduit cette scène où se mêlaient la souffrance, la solidarité, la grâce de la femme, scène de la vie supérieure, si loin de la bête et du sauvage, si fraîche pourtant, et que le léger bruit des jupes, le frisson des grands cheveux, rendaient presque troublante.

« C’est vrai qu’elle est charmante ainsi », songea-t-il avec une nuance d’animosité.

Et il subissait la même foi que la vieille Antoinette.

Le pansement touchait à sa fin : Christine roula la toile autour du petit bras. L’enfant se tut et le geai, descendant de son perchoir, tourna la tête avec circonspection, puis, saisi d’une exaltation soudaine, il sauta sur l’épaule de François en criant :

— Tonneaux ! tonneaux ! tonneaux !

Il tournait sur lui-même comme un derviche, ses ailes claquaient contre la nuque, son bec accrochait au passage la barbe. Ensuite, il chanta :

...............................Toujours la la, toujours la la,
........................................Ma belle, ma belle !

— Tu peux bien chanter, vilain Apache, grognait Antoinette.

Elle se mit à raconter l’accident :

— J’avais envoyé le petit chercher un demi-litre de vinaigre chez Mongrolle. Comme il rentrait, la bouteille à la main, voilà-t-il pas que ce sorcier noir sort d’une cachette, en criant comme un homme… Jamais encore il n’avait eu cette voix-là ! On aurait dit le chand d’habits, celui qui parle de la tête.