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Page:Rosny aîné - Nymphée - Le Lion, 1909.djvu/117

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deau. À ce même moment, un homme se dressa à côté de Sabine. Le cœur étreint d’épouvante, je le vis saisir la jeune fille à bras le corps. Elle lui résistait, elle se débattait. Il s’efforçait de l’entraîner.

Ah ! j’ai gardé la trace de ces minutes sur mon organisme ; mon cœur, durant des années, en demeura affaibli, tremblant, et plusieurs mèches grises se mêlèrent dès lors à mes cheveux.

La chose maudite s’accomplit sous mes yeux. Sabine fut précipitée dans les flots. La force du malheur déracina mon être ; dans des voiles obscurs, parmi la chute, semblait-il, de fragments immenses du monde, je me lançai dans le lac, lourd, lent, impuissant comme un insecte dans la glu, je nageai vers ma bien-aimée. Je compris presque aussitôt l’inutilité de cet effort, l’inutilité de tout effort sur cette misérable terre et, cessant de lutter, je me laissai couler à fond.