Page:Rosny aîné - Nymphée - Le Lion, 1909.djvu/213

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une année, n’eus-je aucune espèce de rapport avec les hommes.

Cette année fut peut-être la plus heureuse de mon existence, — la seule où je connus l’incomparable joie de vivre pour vivre, la seule où j’ignorai l’effrayante maladie de la prévoyance, qui est le payement de la civilisation. Oui, je vécus, et ce fut tout, et ce fut prodigieusement beau. Je vécus avec la brute, et la brute non seulement ne montra ni colère ni mécontentement, mais elle sut faire partager son affection par la lionne qui vint plus tard et par les lionceaux qui naquirent dans notre caverne. Même, j’exerçai sur ces hôtes nouveaux une autorité qui crût d’une manière indestructible, tandis qu’il y eut toujours égalité dans mes rapports avec Saïd[1].


  1. Nom arabe du lion.