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LA BELGIQUE


Et, pour montrer, sous une autre face, le talent de M. Giraud, j’ajouterai à cette citation quelques alexandrins pimpants et sautillants de Pierrot-Narcisse :

…Il est deux races,
Vieilles comme l’azur et comme la clarté :
L’une éprise de force et de réalité…
L’autre est la race des rêveurs, des songe-creux.
L’une est pleine de joie et l’autre de rancune,
L’une vient du soleil et l’autre de la lune ;
Et l’on fait mieux d’unir l’antilope au requin
Que les fils de Pierrot aux filles d’Arlequin.


Mais le plus grand poète de la Belgique actuelle, le plus exubérant et le plus robuste à coup sûr, ne serait-il pas M. Emile Verhœren, car MM. Eekhoud et Maeterlinck sont avant tout l’un un romancier, l’autre un dramaturge, tous deux des prosateurs ? Ses Flamandes (1883), ses Moines (1888), Les Soirs (1888), puis les Flambeaux noirs, Apparus dans nos chemins, sont, de toutes les œuvres similaires, les plus belges par l’esprit et les moins françaises de forme, ou plutôt d’allure. On dirait presque, je le veux bien, le Maupassant des débuts, le poète de Des çers, mais un Maupassant plus coloré, plus débordant, et aussi plus humain dans son matérialisme truculent et ses bruyantes fanfares. C’est viril, c’est plantureux, cela crie la santé et la force. Désirez-vous quelques vers de ses Moines ? Je choisis ces alexandrins tirés de la Rentrée des moines, si brutalement belle :

Alors les moines blancs rentrent aux monastères.
Après secours portés aux malades des bourgs,
Aux remueurs cassés de sols et de labours.
Aux gueux chrétiens qui vont mourir, aux grabataires,
A ceux qui crèvent, seuls, mornes, sales, pouilleux,