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Page:Rossel - Voyage de Dentrecasteaux, envoyé à la recherche de La Pérouse.pdf/203

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DE DENTRECASTEAUX.

1792.
Juillet.
morceaux d'étoffes et les autres objets que nous voulions leur donner. Ils se dessaisissoient de tout ce qu’on leur demandoit : on obtint d’eux leurs ornemens, leurs armes et même les coquilles qui couvroient leur nudité. Ces hommes ont une physionomie riante, montrent peu de défiance, et portent tous les caractères d’un peuple content de son sort. Leurs armes se bornent à des sagayes terminées par une pierre dure et acérée, et à des espèces de flèches qu’ils lancent à la main, car on ne leur a pas vu d’arcs : ils n’ont point de massues. A en juger par la nature des armes qu’ils avoient dans leurs pirogues, on pourroit penser que ces insulaires ne se font point la guerre entre eux ; et sans doute la même douceur de caractère et les mêmes mœurs sont le partage des naturels de la grande île ; sans quoi il est à présumer que ceux-ci ne tarderoient pas à envahir les possessions des paisibles habitans des petites îles dont ils sont environnés.

Après une entrevue d’environ deux heures, nous con­tinuâmes notre route : alors les pirogues s’approchèrent de l'Espérance ; mais comme elle ne tarda pas à se mettre aussi en marche, quoique je lui eusse fait le signal de ne pas faire attention à notre manœuvre, ces pirogues mirent toutes à la voile pour nous suivre, et les hommes qui les montoient nous engagèrent par signes à aller à terre avec eux. C’étoit un spectacle vraiment curieux que de voir cette petite flottille après quelle eut déployé ses voiles ; mais ce qui nous parut bien plus surprenant, c’est la vîtesse d’une

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