Page:Rostand, L’Aiglon, 1922.djvu/129

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Votre Excellence veut, n’est-ce pas ? qu’effaçant
Cette tache de ciel, cette tache de sang,
Et n’ayant plus aux mains qu’un linge sans mémoire,
J’offre à la Liberté ce linceul dérisoire ?

L’EMPEREUR, avec colère.

Encor la Liberté !

LE DUC.

Encor la Liberté !J’y suis apparenté
Du côté paternel, sire, à la Liberté !

METTERNICH, ricanant.

Oui, le duc pour grand-père a le Dix-huit Brumaire !

LE DUC.

La Révolution Française pour grand’mère !

L’EMPEREUR, debout.

Malheureux !

METTERNICH, triomphant.

Malheureux !L’empereur républicain !… Voilà
L’utopie ! Attaquer la Marseillaise en la
Sur les cuivres, pendant que la flûte soupire
En mi bémol : Veillons au salut de l’Empire !

LE DUC.

On peut très bien jouer ces deux airs à la fois,
Et cela fait un air qui fait sauver les rois !

L’EMPEREUR, hors de lui.

Comment là, devant moi, vous osez dire ?… Il ose !

LE DUC.

Ah ! je sais maintenant ce que l’on me propose !

L’EMPEREUR.

Mais qu’a-t-il aujourd’hui ? d’où lui vient cet accès ?

LE DUC.

C’est d’être un archiduc sur le trône français.

L’EMPEREUR, levant au ciel des mains tremblantes.

Qu’a-t-il lu ? qu’a-t-il vu ?… cet oubli des principes !…

LE DUC.

J’ai vu des coquetiers, des mouchoirs et des pipes !

L’EMPEREUR.

Il est fou ! — Les propos que le duc tient sont fous !