Page:Rostand - Chantecler.djvu/125

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LA FAISANE.

Mais il tient des propos qui sont fous ! — Tu fais naître ?…

CHANTECLER.

Ce qui rouvre la fleur, l’œil, l’âme et la fenêtre !
Parfaitement ! Ma voix dispense la clarté.
Et quand le ciel est gris, c’est que j’ai mal chanté !

LA FAISANE.

Mais lorsque vous chantez en plein jour ?

CHANTECLER.

Mais lorsque vous chantez en plein jour ? Je m’exerce.
Ou bien, je jure au soc, à la bêche, à la herse,
À la faulx, de remplir mon devoir d’éveiller.

LA FAISANE.

Mais qui t’éveille, toi ?

CHANTECLER.

Mais qui t’éveille, toi ? La peur de l’oublier !

LA FAISANE.

Et crois-tu qu’à ta voix le monde entier s’inonde ?…

CHANTECLER, simplement.

Je ne sais pas très bien ce que c’est que le monde :
Mais je chante pour mon vallon, en souhaitant
Que dans chaque vallon un coq en fasse autant.

LA FAISANE.

Pourtant…

CHANTECLER, remontant.

Pourtant… Mais je suis là, j’explique, je pérore,
Et je ne pense plus à faire mon aurore !

LA FAISANE.

Son aurore ?

CHANTECLER.

Son aurore ? Ah ! je tiens des propos qui sont fous ?
Je vais faire lever l’Aurore devant vous !
Et je sens qu’aux moyens dont mon âme dispose
Le désir de vous plaire ajoutant quelque chose
Qui me fera chanter comme sur des sommets,
Elle va se lever plus belle que jamais !